LA CRITIQUE EVENE et TELERAMA


critiques & avis

LA CRITIQUE EVENE

Evenepar Maud Denarié
Puissance. Tel est le mot qui suffirait à condenser, à caractériser le génie d'une telle oeuvre. Alliant élégance et douceur du verbe à une exploration presque impudique des introspections, le nouveau roman de Marie Ndiaye fait l'effet d'un véritable coup de poing littéraire. Il y a Norah, Fanta et Khady Demba que la vie a malmenées, ici ou là. En France, en Afrique, l'amertume, la souffrance et la désillusion se confondent, inéluctablement, au rythme de leurs destins déchirés, fouillés à la loupe jusqu'aux tréfonds de l'intimité. Observatrice affûtée à la plume de velours, Marie Ndiaye part sur les traces des uns et des autres, traduisant avec précision la lourdeur volontairement insoutenable des atmosphères. Menant ses récits à l'image de ses "phrases fleuves", elle offre une mise en scène quasi cinématographique et multi-sensorielle. Car derrière l'écoulement des mots se révèle la profondeur des non-dits. Déployant un style cousu au rythme des circonvolutions de l'âme, elle se meut délicatement dans les flots remuants de la conscience pour y disséquer les moindres tourments. Se juxtaposent ainsi des tableaux mouvants et riches, puisés à la source d'un réalisme troublant, où la subtilité des personnages n'a d'égale que la juste résonance des sensations. Une rare prouesse littéraire qui, au-delà de la fiction, rend hommage avec force et dignité à l'humanité déchue, à ces bafoués de l'ombre en quête de lumière.

SOURCE  http://www.evene.fr/livres/livre/marie-ndiaye-trois-femmes-puissantes-40945.php?critiques#critique-evene




L'AVIS DE LA PRESSE

  • Livres Hebdo
    Une lecture qui, immanquablement, nous laisse ébloui et sonné, un peu comme après avoir vu un film de David Lynch (...).
  • Le Point
    Un classicisme somptueux. Proust et Faulkner dialoguant sous des cieux africains.
  • Télérama
    Un objet littéraire d’une si évidente cohérence, où la puissance imaginative, la profondeur introspective, la maîtrise formelle sont portées à un niveau hors du commun.Lire la critique sur le site de http://www.telerama.fr/cinema/
  • Les Inrockuptibles
    Le livre le plus dérangeant et le plus obsédant de cette rentrée.
  • Le Nouvel Observateur
    C’est un cauchemar éveillé, un conte de fées à l’envers, un bréviaire de la déchéance, de l’espoir déçu et du revers de fortune, un roman froid, cynique et bizarrement léger dont le lecteur sort <i>“exténué, abattu, presque sonné comme si, émergeant d’un long rêve mélancolique, blessant, il lui fallait adapter sa conscience à la réalité environnante.”</i>
  • Le magazine littéraire

    L’écriture de Ndiaye a l’excellence de dire l’indicible.



    CRITIQUE parue dans TELERAMA 
    SOURCE HTTP://WWW.TELERAMA.FR/LIVRES/TROIS-FEMMES-PUISSANTES,46056.PHP
    ROMAN
    Le récit juxtaposé de trois destins, celui de Norah, de Fanta et de Khady. Avec ce nouveau roman, Marie NDiaye, d'une infinie justesse, atteint une rare maîtrise formelle. Démonstration par la lecture.
    On aime passionnément
    Tout à la fois en marge et au sommet : c'est dans cette position singulière que se tient, depuis longtemps, Marie NDiaye. Peut-être pas depuis ses tout débuts d'écrivain prodige - c'était en 1985, elle avait 17 ans, et Jérôme Lindon publiait, chez Minuit, Quant au riche avenir, son premier roman -, mais très vite après cela, lorsque parurent successi vement, au cours des années 1990, La Femme changée en bûche, En famille, Un temps de saison, La Sorcière. Une position dominante, comme en surplomb du paysage littéraire contemporain, définitivement confirmée en 2001 avec l'envoûtant et puissant Rosie Carpe, apogée d'une bibliographie sans fausse note à laquelle Trois Femmes puissantes vient aujourd'hui ajouter un nouveau, saisissant jalon. Un roman, ou trois récits juxtaposés, liés les uns aux autres par des éléments narratifs explicites mais ténus ? Qu'importe ces définitions, quand on se trouve en présence d'un objet littéraire d'une si évidente cohérence, où la puissance imaginative, la profondeur introspective, la maîtrise formelle sont portées à un niveau hors du commun.
    Trois femmes puissantes, donc. Norah, Fanta et Khady. Aucune des trois n'est pourtant projetée par Marie NDiaye dans une situation enviable. Norah, la quarantaine, a quitté Paris, sa famille, sa carrière d'avocate pour rendre visite à son père, en Afrique. Et ces retrouvailles plus que malaisées entre le père et la fille se révèlent devenir, pour cette dernière, une épreuve de vérité qui met en péril son couple, sa relation avec sa propre fille, sa mémoire, sa raison même - sa vie toute entière. Fanta, elle, a quitté son Sénégal natal pour suivre son mari, Rudy, en France. La voilà désormais qui se morfond et s'étiole dans une province française sans grâce, dans une vie ordinaire, étroite, médiocre - du moins est-ce ainsi que Rudy voit les choses, et c'est par la seule voix intérieure de ce dernier, pétrie de culpabilité et d'amertume, qu'il nous est donné de connaître Fanta. Enfin, voici Khady, jeune Africaine contrainte à l'exil par le veuvage, la solitude, la pauvreté, le désespoir. Engagée, avec d'autres clandestins, dans un voyage tra gique qui ne la mènera nulle part, mais dont elle ne reviendra pas.
    On connaît le grand art de Marie NDiaye, qui consiste, par l'introduction dans la narration de symptômes d'étrangeté (apparitions, métamorphoses...) de plus en plus discrets au fil des livres, à jouer avec les règles du réalisme pour le complexifier, l'intensifier, l'opacifier. Allant jusqu'à en modifier l'essence même, en creusant chaque fois dans la narration des déchi rures, des béances - qui sont comme des portes d'entrée vers la vie intérieure la plus profonde de ses personnages, ce lieu indicible de l'être où la psychologie est obsolète, ce territoire intime, sauvage, archaïque, violent, toxique, où incubent les blessures originelles, où éclosent les pulsions prédatrices. C'est là, en cette dimension secrète et presque intouchable de l'expérience humaine, qu'évolue toujours Marie NDiaye. Là qu'elle nous convoque, une fois de plus, dans Trois Femmes puissantes, où elle semble au fil des pages dépouiller peu à peu ses récits de leur coloration surréelle, sans rien perdre pourtant en puissance d'évocation, en secret, en impénétrabilité. Déployant, sous couvert d'une écriture veloutée, savante et pré cise, sans haussements de ton, d'une simplicité éminemment exigeante, une vision terriblement juste, concrète, digne et poignante de l'humanité souffrante.

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